Les ventes se suivent, mais ne se ressemblent pas forcément.
Un de nos
membres nous a informé il y a quelques jours d’une vente qui a lieu aujourd'hui, jeudi
1er mars 2018 à 13h30 à Paris « Succession d'un marchand
parisien et à divers. XXe siècle ».
Elle se
compose de 273 lots dont, comme vous pourriez vous en douter, une œuvre signée
Robida.
Mais c’est
là que les choses se compliquent. En effet, quelle œuvre étrange ! Même si
elle est signée Robida, on doute immédiatement que ce soit un original d’Albert
Robida, beaucoup trop de détails semblent trahir le mauvais faux !
Voici donc
mes premières remarques, que j’ai bien sûr partagées avec des membres
spécialistes de Robida.
Pour
commencer, le trait est assez malhabile et les proportions perfectibles, la
posture du bourreau et sa hache n'est pas crédible, Robida est généralement
beaucoup plus précis que çà.
La mise en
couleur est assez étrange... même les esquisses rapidement coloriées par Robida
sont plus précises et artistiques que cette illustration.
Le dessin
semble porter une dédicace sous la signature... habituellement les dessins
dédicacés par Robida sont beaucoup plus
soignés !
Mais la
photo n'est pas très bonne, mais la signature semble correspondre, à première vue... avouons-le,
elle est relativement facile à imiter.
Je décide
donc de contacter le commissaire-priseur MAGNIN WEDRY pour tenter d’obtenir
quelques meilleurs clichés, notamment quelques gros plans de détails, et
surtout, une vue rapprochée de la signature et de la mystérieuse inscription en
dessous... et bien sûr, pour l'informer de nos doute concernant cette "œuvre" !
Quelques jours après, je reçois effectivement quelques photos complémentaires, sans plus d'explications quant à l'origine présumée de ce dessin.
Et là, ce n'est plus équivoque, trop de détails trahissent la supercherie.
J'ai tout de suite travaillé sur la signature et ainsi pouvoir la comparer avec celles de Robida. Le soucis, c'est qu'en fonction des époques, et du médium utilisé, elle peut varier. Il semble que celle-ci soit un style de signature de Robida antérieur à 1900... elle est très ressemblante, bien qu'un peu malhabile... habituellement, Robida fait traîner son "a" de fin beaucoup plus, surtout quand il est tracé au pinceau... et Robida est extrêmement loin d'être malhabile avec un pinceau ! C'est un point qu'on ne peut remettre en question !
On peut enfin lire ce qu'il y a sous la signature : "Pinxit Roma près Langrune" (ou Langrane)
S'agit-il de Langrune-sur-Mer en Normandie ?
On avait déjà remarqué la trop mauvaise qualité du dessin pour être du Robida... on pourrait justifier en disant que c'est un dessin "vite-fait" et colorié par Robida, mais il me semble que Robida ne signait pas ses crayonnés et esquisses !!! (je dispose afin de comparer, d'un très grand nombre d'esquisses de Robida, qui m'ont permis de le vérifier)
Aussi, le format m'interpelle, 98x62 cm... un peu grand pour une esquisse de Robida ! On pourrait avancer qu'il s'agit peut-être d'un travail préparatoire avant l’œuvre définitive ? ça paraît peu probable vue la composition très perfectible !!
J'ai également fait parvenir ces dernières photos aux membres de l'Association des Amis d'Albert Robida qui sont unanimes, il ne s'agit pas d'un dessin de Robida !
Et pour terminer, je cite Philippe Brun (libraire et auteur de "Albert Robida (1848-1926) - Sa vie, son oeuvre, suivi d'une bibliographie complète de ses écrits et dessins") dans son courriel d'hier soir :
Ce n'est certainement pas la signature de Robida et le style du dessin est très différent de ce qu'il fait habituellement. Il s'agit sûrement d'un faux !
Voilà, tout est dit ! A suivre, car on aimerait quand même bien savoir pourquoi ce dessin a été signé Robida ?
On pourrait avancer de nombreuses hypothèses... Robida a énormément dessiné sur le Moyen âge et nul doute qu'il ait fait de nombreux émules grâces à ces dessins et ouvrages sur le sujet.
On pourrait aussi se projeter dans son Vieux Paris, recréé sur les berges de la Seine à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900 à Paris. Cette attraction, entre le pont de l'Alma et la passerelle Debilly a été le véritable clou de cette Exposition, et ce sont des dizaines de millions de visiteurs qui ont visité ces ruelles embrouillées, dans lesquelles des figurants donnaient le change. Alors, on pourrait alors imaginer un de ces visiteurs, arrivant au carrefour St-Julien, après avoir dépassé la chapelle et le cabaret, il se retrouve nez-à-nez avec le pilori de St-Germain... sur cette place du Vieux Paris de l'Expo étaient organisées de petits spectacles moyenâgeux dans lesquels peut-être, la décapitation simulée avec cours.
Sinon, il reste également la piste de l'inscription sous la signature. A-t-elle une réelle signification ?
Pinxit Roma pourrait vouloir dire Peint à Rome, mais... près de Langrune en Normandie ?... cela me paraît un peu plus difficile à interpréter !
Pour info, voici le lien de la vente d'aujourd'hui :
http://www.interencheres.com/fr/meubles-objets-art/succession-dun-marchand-parisien-et-a-divers-xxe-siecle/albert-robida-1848-1926-la-decapitation-aquarelle-sur-papier-ie_v114459/10679660/num
N'ayant reçu les images qu'hier matin, je suppose qui semble est un faux Robida n'aura hélas pas été retiré de la vente !
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