Edité par G. Bertrand en 1918, c'est un grand album de 64 pages, à la sobre couverture grise et un peu triste, il renferme pas moins de 110 illustrations en N&B dans le texte, et surtout, 16 magnifiques HT couleur tirés à part... 1 par chapitre !
Je laisse la présentation de cet ouvrage à l'écrivain Georges D'Esparbès, qui en a rédigé le prologue :
Ma très ancienne et toujours renaissante admiration pour Robida et aussi peut-être ma réputation de "tambour" que je dois à quelques épithètes sonores, me valent le grand honneur de présenter aujourd'hui un nouveau livre de cet artiste génial.
Les hommes de ma génération de rappellent des beaux dessins inspirés qui nous présentaient, voici déjà quarante ans, la guerre future à peu près telle que nous la voyons de nos jours.
Bien avant les inventeurs, ce Visionnaire avait deviné les gigantesques batailles du « dessus » et du « dessous » ; avec une audace inouïe, sa plume nous traçait des silhouettes étrangement précises d’avions et de sous-marins mystérieux, qui sont à l'heure présente devenues des réalités.
Même s’il osait nous les faire voir en action, au fort des combats, plongeant, s’élançant, opérant leurs réactions d’après une méthode pareillement imaginée, dont les commissions techniques semblaient s’inspirer plus tard. Si l’on confrontait ces vieux dessins avec les photographies prises aujourd’hui sur la ligne de feu, l’on serait saisi d’étonnement, l’on éprouverait un sentiment d’admiration mêlé de crainte, comme devant l’œuvre du prophète.
Ces dons prophétiques, nous les retrouverons dans ce nouvel ouvrage. Mais, direz-vous, il s’agit ici d’une évocation du passé ; où serait la divination ? Elle sera partout, car on ne prophétise pas seulement le futur. C’est prophétiser encore que d’explorer le passé avec des vues nouvelles. Le prophète est surtout un Explorateur. Montrer les causes décèle une divination plus subtile que d’annoncer les effets. La patrie blessée a interrogé le devin, lisons sa réponse.
Le chapitre le plus impressionnant de cet ouvrage, consacré à la Kultur allemande, a réveillé en mois quelques sentiments personnels que l’auteur et ses lecteurs me pardonneront de publier ici même.
Par son texte serré, plein, nombreux, et par les admirables dessins qui le commentent, Robida nous explique la prussianisation de l’Allemagne, qu’un hideux troupeau d’universitaires a conduite au bord du gouffre où incessamment elle va trébucher et mourir ; et il note comme premiers responsables Frédérick Ier et Frédérick II. A mon avis, c’est surtout le deuxième qui a fait le mal.
... ...Et maintenant ouvrez le livre de Robida.
Le Recteur du collège des Augures, d’un crayon illuminé, a représenté pour nous les causes tragiques de cette guerre. Devant les entrailles palpitantes, il va découvrir les assassins, il va parler…
Ecoutons-le.
Georges D’ESPARBES - Palais de Fontainebleau – Cour des Adieux
Ce n'est bien sûr qu'une petite partie de ce prologue. Nous continuons avec le premier chapitre, qui va camper le décor, et s'intéresser aux origines de ce mal germanique.
Table des Chapitres :
- Préface - p.5
- Le Vautour de Prusse - p.9
- I. Le Nid du Vautour - p.10
- II. Le Burgrave de Nuremberg - Le Vautour s'engraisse - p.12
- III. Les plaisirs du Concile - p.14
- IV. La Marche de Brandebourg - Première rencontre du Vautour et des Bismarck. - Le premier canon - p.17
- V. Le Vautour s'arrondit - p.19
- VI. Orages et tempêtes - Retour de chance - Le Vautour monte en grade. - La Dame blanche - p.21
- VII. L'armée du Roi-Sergent et sa garde de grenadiers géants. - La Kultur-Schlaque - p.23
- VIII. La haute fortune du Vautour - p.28
- IX. Le Vautour houspillé par l'Aigle - p.32
- X. La Vautour digère. - Le Vautour Médite. La Kulture-Mensonge - p.34
- XI. Prussification. - Organisation. - Préparation - p.38
- XII. La Kultur-Krupp - p.42
- XIII. Organisation. - Utilisation. - Mobilisation - p.46
- XIV. Le Signal - p.48
- XV. La Mort Allemande - p.52
- XVI. L'Explosion - p.57
LE VAUTOUR DE PRUSSE
En l'année de sang et de carnage 1915, où le Vautour Hohenzollern au bec sanglant, put, d'un bout à l'autre de l'Europe transformée en charnier, se gorger à discrétion de chair saignante et pantelante, il y eut juste cinq cents ans que la fortune des Hohenzollern prit son essor définitif, cinq cents ans que le Vautour parti du rocher de Zollern, maigre et sec, plumes hérissées, griffes et bec tendus, l'œil brillant d'âpres convoitises, dirigea son vol vers le Brandebourg, vers les proies à venir, vers des destins plus hauts et plus larges, pour le plus grand malheur de tous les peuples d'Europe.
Et ce cinquième centenaire, il le célèbre à sa façon, dans une orgie satanique de flammes, de bombes, de torpilles, de gaz toxiques, a' acides et d'explosifs, martyrisant le cadavre de la Belgique assassinée, chantant le Te Deum de Wotan avec ses canons de 420 sur les cathédrales écroulées, broyant les peuples, déshonorant la guerre elle-même, coulant, les transatlantiques américains comme les simples chalutiers neutres ou les navires hôpitaux de la Croix-Rouge, fusillant, pillant, volant, violant, des plaines de Champagne aux marais de Pologne, des sommets alpestres ou vosgiens aux montagnes serbes et bulgares, des sables pharaoniques aux palmiers de Bagdad et aux gorges du Caucase.
Mais le poing du Destin va s'abattre enfin, et le châtiment suprême s'annonce pour le Vautour au bec sanglant.
LE NID DU VAUTOUR
Le nid primitif du Vautour, l'aire natale, le vieux burg de Zollern, s'érigeait au sommet d'une montagne de 800 mètres, Hobenzollernberg, sur un cône de rochers abrupts surgissant au-dessus des forêts, au centre d'une très minuscule principauté enclavée dans le Wurtemberg, à mi-chemin entre Stuttgart et Constance.
Du haut de son burg juché sur l'extrême pointe du rocher, le burgrave dominait les plaines au loin, il surveillait 'les routes et pouvait s' élancer sur la proie qui venait imprudemment s'offrir.
Vautours et burgraves de proie, les Zollern le furent obscurément pendant des siècles, comme tant d'autres rapaces, campés et fortifiés sur tous les rocs, sur tous les mamelons des pays rhénans, des Alpes à la mer.
Rauberitters, chevaliers voleurs, ravageurs du plat pays, détrousseurs des convois de marchands sur les routes, houspilleurs des voisins plus faibles et pilleurs des villes qui se laissaient surprendre, ils furent tout cela longtemps, obscurément, mais très fructueusement, car ils purent entasser dans leur bauge de rocs escarpés et de rudes • murailles, d'importantes richesses conservées avec une prudente économie, et dont ils surent toujours, au moment favorable, tirer bon parti.
Le nid du Vautour qu'on voit aujourd'hui, le château actuel de Hohenzollern, n'est qu'une reconstitution; c'est du gothique de 1850, plaqué sur les ruines du vieux burg détruit en 1423 par les troupes des villes de la Hanse, dans une expédition vengeresse contre les burgraves détrousseurs de la région.
Le burg tomba, mais le Vautour en était parti. Déjà il avait porté son vol plus loin et plus haut.
(A suivre)
Liste des 16 H.T. coul. en tirés à part :
- Le premier nid du vautour Hohenzollern p. 5
- L'appétit de la pieuvre p. 9
- Le Burgrave de Nuremberg p. 13
- L' Allemagne lacrymogène p. 17
- La ronde des fantômes p .21
- Le flot rouge p. 29
- Kultur-mensonge p.33
- Kultur-Krupp p.39
- La messe de Wotan p. 43
- Le signal p.47
- La mort allemande p. 51
- Dumdumistes et tueurs d'officiers p. 53
- La Croix de fer p. 55
- L'amiral Torpillitz p. 57
- L'Allemagne carnassière p. 59
- Au muséum p. 61
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