Ed. Ernest Flammarion, Paris 1894
Albert Robida
par un écrivain anonyme...
Monsieur, ou vous, très exquise
Madame qui me lisez, vous plairait-il de faire un admirable et
lointain voyage ? Choisissez votre itinéraire : allez-vous
en Suisse, en Italie ? Voulez-vous suivre les bords de la Loire,
visiter les châteaux historiques que les princes et les rois ont
semés, pour ainsi dire, dans cet adorable verger de Touraine ?
Que diriez-vous de la Normandie, dont les cathédrales de dentelle
dominent une mer couleur de prairies et des prairies couleur
d'océan ? Préférez-vous la Bretagne avec ses vieilles maisons
aux toits pointus, aux façades ouvragées comme des joyaux, la
Bretagne avec ses déserts pleins de hantise, ses landes où depuis
éternellement les dolmens et les menhirs émergent des ajoncs d'or
et des bruyères d'hyacinthe ? Mais encore, se peut-il que vous
ayez envie de parcourir l'Espagne en zig-zag, d'assister au spectacle
truculent d'une vraie course de taureaux, de visiter les fameux
sanctuaires où sont vénérées, au-dessus d'autels d'or et d'argent
massif, des vierges somptueuses couvertes de bijoux, de goûter la
douceur de ces nuits sidérales durant lesquelles on entend de
suppliantes sérénades ou la voie nasillarde des alguazils criant
les carrefours l'heure qui sonne ou le temps qu'il fait ?
Eh bien, pour faire tous ces beaux
voyages, point n'est besoin que vous quittiez votre chambre, ni même
le coin du feu. Allez simplement jusqu'à votre bibliothèque et
prenez un des livre de ROBIDA, Vieille France, par exemple, ou
tout autre récit illustré de ses excursions. Il vous montrera
toutes les merveilles des pays qu'il a parcourus – et il vous les
montrera dans leur caractère, dans leur cadre, avec leur couleur
locale.
Oh ! Ce n'est pas qu'il prétende
vous instruire de force ! Il ne tombera jamais dans le travers
de ces impitoyables cicerones qui ne vous font grâce d'aucune
explication et vous enlèvent le plaisir de la découverte imprévue.
Il vous laissera admirer et sentir comme bon vous semblera et
attendra que vous le questionniez. Alors seulement, vous vous
apercevrez que votre guide n'ignore rien de ce que vous avez voulu
apprendre.
ROBIDA possède l'érudition de
Viollet-Leduc, mais il a aussi l'imagination de Gustave Doré, et la
verve comique de Gavarni. Ses caricatures, admirablement dessinées,
dénotent une capricante fantaisie et dérideraient les esprits les
plus moroses. Son XXe Siècle est un vaste panorama, une encyclopédie
complète, une histoire quintessenciées de ces cent ans, travail
formidable qui permet à l'auteur d'avoir une sorte de vision
apocalyptique des merveilles futures de la science et des
monstruosités auxquelles doit aboutir fatalement une civilisation
intensive.
Dessinateur hors pair, écrivain très
personnel, ROBIDA possède de plus une grande qualité éminente qui
est la marque des grands artistes : il est varié. Parcourez les
illustrations de Rabelais, procurez-vous, s'il est possible encore,
Le Cas du Vidame, vous serez convaincu bien vite que la lignée
des grands rieurs n'est pas éteinte et que, malgré la pudibonderie
de mode à notre époque exsangue, l'esprit amoureux et libre de
notre race mérite qu'on l'admire.
Quel homme est ROBIDA ? Un grand
garçon, très maigre, très myope, modeste à l'excès, et si doux,
si simple, qu'en dépit de son immense talent, on ne lui connaît
aucun ennemi. Signes particuliers : est né en 1848 et regrette
de s'être pressé. A fait des caricatures et voulait être
paysagiste. N'est pas décoré et le sera comme auteur dramatique, à
moins que le ruban rouge ne lui arrive avant que la féerie qu'il
rêve ne soit jouée au Châtelet.
Albert Robida est né à Compiègne en
1848. A publié successivement : les Vieilles villes d'Italie
(1877), Georges Decaux, éditeur ; les Vieilles villes de
Suisse ; les Vieilles villes d'Espagne, chez Maurice Dreyfous ;
les Voyages extraordinaires de Saturnin Farandoul ; la Grande
mascarade parisienne ; la Tour enchantée ; le Vingtième
siècle ; le Voyage de M. Dumollet ; le Portefeuille d'un
vieux graçon ; Mesdames nos aïeules (petite-histoire de la
mode) ; la Vieille France (Bretagne et Normandie) ;
quelques contes pour les bibliophiles en collaboration avec Octave
Uzanne ; quelques nouvelles du Petit Français. Ses principales
illustrations sont l’œuvre de Rabelais ; les Cent nouvelles
nouvelles ; le Cas du Vidame. Il a, en outre, publié un certain
nombre de romans ; la Vie en rose ; le Vrai sexe faible ;
les Peines de cœur d'Adrien Fontenille ; la Part du Hasard ;
la Tribu salée ; la Touraine et la Vie électrique.
Bonsoir cher ami de Robida,
RépondreSupprimerl'auteur anonyme est Joseph Uzanne (1850-1937), rédacteur en chef et directeur des Figures contemporainres Mariani.
Bonne soirée,
Bertrand Hugonnard-Roche,
un ami de Robida aussi...