mercredi 13 février 2013

Figures contemporaines, tirées de l'album Mariani - Vol. I


Ed. Ernest Flammarion, Paris 1894

Albert Robida
par un écrivain anonyme...

        Monsieur, ou vous, très exquise Madame qui me lisez, vous plairait-il de faire un admirable et lointain voyage ? Choisissez votre itinéraire : allez-vous en Suisse, en Italie ? Voulez-vous suivre les bords de la Loire, visiter les châteaux historiques que les princes et les rois ont semés, pour ainsi dire, dans cet adorable verger de Touraine ? Que diriez-vous de la Normandie, dont les cathédrales de dentelle dominent une mer couleur de prairies et des prairies couleur d'océan ? Préférez-vous la Bretagne avec ses vieilles maisons aux toits pointus, aux façades ouvragées comme des joyaux, la Bretagne avec ses déserts pleins de hantise, ses landes où depuis éternellement les dolmens et les menhirs émergent des ajoncs d'or et des bruyères d'hyacinthe ? Mais encore, se peut-il que vous ayez envie de parcourir l'Espagne en zig-zag, d'assister au spectacle truculent d'une vraie course de taureaux, de visiter les fameux sanctuaires où sont vénérées, au-dessus d'autels d'or et d'argent massif, des vierges somptueuses couvertes de bijoux, de goûter la douceur de ces nuits sidérales durant lesquelles on entend de suppliantes sérénades ou la voie nasillarde des alguazils criant les carrefours l'heure qui sonne ou le temps qu'il fait ?

        Eh bien, pour faire tous ces beaux voyages, point n'est besoin que vous quittiez votre chambre, ni même le coin du feu. Allez simplement jusqu'à votre bibliothèque et prenez un des livre de ROBIDA, Vieille France, par exemple, ou tout autre récit illustré de ses excursions. Il vous montrera toutes les merveilles des pays qu'il a parcourus – et il vous les montrera dans leur caractère, dans leur cadre, avec leur couleur locale.

        Oh ! Ce n'est pas qu'il prétende vous instruire de force ! Il ne tombera jamais dans le travers de ces impitoyables cicerones qui ne vous font grâce d'aucune explication et vous enlèvent le plaisir de la découverte imprévue. Il vous laissera admirer et sentir comme bon vous semblera et attendra que vous le questionniez. Alors seulement, vous vous apercevrez que votre guide n'ignore rien de ce que vous avez voulu apprendre.

        ROBIDA possède l'érudition de Viollet-Leduc, mais il a aussi l'imagination de Gustave Doré, et la verve comique de Gavarni. Ses caricatures, admirablement dessinées, dénotent une capricante fantaisie et dérideraient les esprits les plus moroses. Son XXe Siècle est un vaste panorama, une encyclopédie complète, une histoire quintessenciées de ces cent ans, travail formidable qui permet à l'auteur d'avoir une sorte de vision apocalyptique des merveilles futures de la science et des monstruosités auxquelles doit aboutir fatalement une civilisation intensive.

        Dessinateur hors pair, écrivain très personnel, ROBIDA possède de plus une grande qualité éminente qui est la marque des grands artistes : il est varié. Parcourez les illustrations de Rabelais, procurez-vous, s'il est possible encore, Le Cas du Vidame, vous serez convaincu bien vite que la lignée des grands rieurs n'est pas éteinte et que, malgré la pudibonderie de mode à notre époque exsangue, l'esprit amoureux et libre de notre race mérite qu'on l'admire.

        Quel homme est ROBIDA ? Un grand garçon, très maigre, très myope, modeste à l'excès, et si doux, si simple, qu'en dépit de son immense talent, on ne lui connaît aucun ennemi. Signes particuliers : est né en 1848 et regrette de s'être pressé. A fait des caricatures et voulait être paysagiste. N'est pas décoré et le sera comme auteur dramatique, à moins que le ruban rouge ne lui arrive avant que la féerie qu'il rêve ne soit jouée au Châtelet.


Albert Robida est né à Compiègne en 1848. A publié successivement : les Vieilles villes d'Italie (1877), Georges Decaux, éditeur ; les Vieilles villes de Suisse ; les Vieilles villes d'Espagne, chez Maurice Dreyfous ; les Voyages extraordinaires de Saturnin Farandoul ; la Grande mascarade parisienne ; la Tour enchantée ; le Vingtième siècle ; le Voyage de M. Dumollet ; le Portefeuille d'un vieux graçon ; Mesdames nos aïeules (petite-histoire de la mode) ; la Vieille France (Bretagne et Normandie) ; quelques contes pour les bibliophiles en collaboration avec Octave Uzanne ; quelques nouvelles du Petit Français. Ses principales illustrations sont l’œuvre de Rabelais ; les Cent nouvelles nouvelles ; le Cas du Vidame. Il a, en outre, publié un certain nombre de romans ; la Vie en rose ; le Vrai sexe faible ; les Peines de cœur d'Adrien Fontenille ; la Part du Hasard ; la Tribu salée ; la Touraine et la Vie électrique.

1 commentaire:

  1. Bonsoir cher ami de Robida,
    l'auteur anonyme est Joseph Uzanne (1850-1937), rédacteur en chef et directeur des Figures contemporainres Mariani.

    Bonne soirée,
    Bertrand Hugonnard-Roche,
    un ami de Robida aussi...

    RépondreSupprimer