lundi 18 mars 2013

Le remplacement des vingt-deux statues de charcutières à l'Exposition de 1878 (2)

Projet pour le remplacement des vingt-deux statues de charcutières
de la façade de l'exposition
par les vingt-deux statues des plus jolies actrices de Paris.

II. Les réponses de ces dames.
dans La Vie Parisienne du 18 mai 1878

Comme nous avions lieu de l'espérer, notre appel a été entendu de toutes ou presque toutes les dames artistes. Aidé de nos secrétaires et de quelques aimables abonnés, nous avons soigneusement dépouillé cette correspondance qui ne se composait pas moins de huit cent cinquante lettres. Nous n'aurions jamais cru qu'il y eût autant d'artistes à Paris. Et les esprits moroses parlent de l'abaissement, de la décadence de l'art ! Nous n'avons pas la prétention de mettre sous les yeux de nos lecteurs, - nos colonnes, même avec un supplément de 800 pages, s'y refuserait, - ce volumineux dossier. C'est à notre grand regret que nous sommes forcé d'éliminer, chaque billet contient un détail piquant, intéressant souvent ? Nous n'en conserverons que deux ou trois par théâtre, le reste sera mis à la disposition des étrangers. Comme nous l'avons dit, ils pourront en prendre connaissance tous les jours dans nos bureaux.

Ci-dessous, le premier courrier sélectionné, il s'agit de Rosine Bloch (7 novembre 1844 – 1er février 1891), la très célèbre chanteuse mezzo-soprano française qui eut une carrière européenne à succès entre 1865 et 1891.


Monsieur,
l'Opéra occupera certainement une place d'honneur dans votre projet de façade de l'Expositon. Il me semble que tout me désigne, ma beauté, ma jeunesse, mon talent, pour vous demander de figurer parmi vos cariatides. Si quelqu'un a une beauté sculpturale, des linéamens antiques, n'est-ce-pas moi ? N'a-t-on pas dit cent fois en parlant de ma beauté : quel beau bloc ! Un bloc de marbre ! Un paros, etc, etc ? Vous savez, au fond je ne suis pas si froide que çà. Mais pour l'amour de dieu, ne me faites ni dans le Prophète, ni dans Hamlet. Les robes larges sont si peu seyantes ! Elles ne sont faites que pour les femmes mal bâties qui ont des vilaines choses, des difformités à cacher. Ce n'est pas mon cas. Le travesti ne me fait pas peur. Il me semble qu'il serait avantageux pour mes formes. Le public serait enchanté de voir mes jambes que les rôles de mères, dans lesquels je suis confinée, ne m'ont jamais permis de lui montrer. Elles sont superbes. Il n'y en a pas quatre comme çà dans tout l'Opéra. On s'imaginerait en me voyant qu'elles doivent être très fortes, elles complètent un vigoureux ensemble. Je ne crains aucun comparaison. Quand à ma gorge, vous la connaissez. J'en montre ce que je peux dans la Favorite et dans le Reine de Chypre. C'est vous dire qu'il faut absolument que je sois décolletée. Ombrez légèrement ma lèvre supérieure, n'oubliez pas mon petit signe sur la joue.
Je suis, Monsieur le Rédacteur, avec respect,
Rosine Bloch (34 ans)
de l'Académie nationale de musique.




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