mercredi 16 juillet 2014

Le Parnasse hippocratique... extrait... La Confession d'une Nymphomane

Docteur Minime
Le
Parnasse hippocratique
recueil
de poésies fantaisistes
tirées de
différents auteurs plus ou moins drôlatiques
Sur des sujets hippocratiques de genres divers,
hormis le genre ennuyeux

Eau forte de Escudier

Paris
C. Marpon et E. Flammarion, Editeurs.
26, rue Racine, près l'Odéon
1884

Extrait...
La Confession d'une Nymphomane


La comtesse de Trimalcie,
Qui de tout se faisait un jeu,
La comtesse, vive et jolie,
Ayant tâté de tout un peu,
Un matin ne sachant que faire,
Et par hasard se réveillant
Un peu plus tôt qu'à l'ordinaire,
Dans son lit cent fois se tournant,
S'agitant et ne rencontrant
Ni son époux ni son amant,
Et voulant pourtant satisfaire
Le caprice de ce moment,
Sonne, et tout à la fois appelle.
« Vite, au couvent de nos voisins
Volez, et m'amenez, dit-elle,
Le plus barbu des capucins. »
On part. Lise accourt et s'empresse :
« Eh bon Dieu ! quel mal avez-vous ?
Que sent madame la comtesse?
Faut-il avertir votre époux?


— Non, non, de l'effroi qui te presse,
Ma chère enfant calme l'excès:
Ne crains rien ; si je me confesse,
Je ne prétends pas mourir. Mais
Les confesseurs sont fort discrets ;
Une femme avec assurance
Peut leur confier ses secrets.
Or, des doux péchés que j'ai faits
J'aime fort la réminiscence,
Et de temps en temps je me plais
A les narrer sans réticence. »
Elle dit, on entre, et soudain,
On annonce père Membrin.
Plus que le Faune ou le Sylvain
Il a la poitrine velue ;
Front rasé, sourcil noir, œil creux,
Sa bouche ardente et bien fendue
Brille sous les plis tortueux
D'une barbe large et touffue :
L'air robuste, l'aspect hideux,
Jarret tendu, bras musculeux,
Son large nez le feu respire :
Sans son froc épais.et poudreux
On l'aurait pris pour un satyre.
La comtesse se met à rire;
Le fait asseoir près de son lit,

Lui parle avec plaisanterie,
Et pour montrer son industrie
Lui conte les tours qu'elle fit :
Lui dit chaque friponnerie
Qu'en amour elle se permit,
Comment une certaine nuit,
Entre son époux et sa mère
Dans ses jardins elle jouit
D'un prélat et d'un militaire,
De quel art elle se servit
Pour qu'un galant fût auprès d'elle
Par son époux même introduit;
Comment un soir dans sa ruelle,
Sans jalousie et sans querelle,
Trois amants elle satisfit,
Et n'en parut pas moins fidèle
A chacun, malgré ce conflit ;
Comment ensuite elle s'offrit
Pour fille naïve et pucelle
A fin connaisseur qui, pour telle,
Malgré tout son savoir la prit;
Comment, par pure espièglerie,
Un certain soir elle ravit
L'amant qu'attendait son amie,
Puis le lendemain lui rendit.
En contant ses tours elle en rit,

Lorgne le moine et lui sourit;
Et pour dompter l'animal pie,
Lui laisse entrevoir ses appas ;
Puis lui fait mainte agacerie,
Puis enfin l'admet dans ses draps.
Elle en fut assez bien servie.
Le moine admire, il se récrie,
Et par le cordon qui le ceint,
Par la Vierge, et par chaque saint,
Il lui jure que de sa vie
Il n'eut un plaisir si divin .
Du masque de l'hypocrisie
Cachant les feux dont il est plein,
En s'en allant il édifie
Tous ceux qu'il trouve en son chemin.
Puis revient dès le lendemain.
Il revient; mais quoi c'est en vain
Qu'il la presse, qu'il la supplie,
Elle lui ferme ses beaux bras ;
Et lui dit avec ironie :
Considérez-vous, je vous prie,
Et convenez qu'en certain cas
On peut en faire la folie,
Mais, mon père, on n'y revient pas.

GUDIN.

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