...par Albert Robida
Rien de plus charmant que ce pavillon :
il fait grand honneur à M. Ernest Janty, un jeune architecte de
beaucoup de mérite, qui a fait preuve d'une entente de la
décoration, assez rare chez nos modernes constructeurs.
C'est un coin de l'Eden monégasque
transporté en plein Champ-de-Mars, et auquel il ne manque que l'azur
de la Méditerranée pour que l'illusion soit complète.
Sous les palmiers de Monte-Carlo,
balançant leurs sveltes panaches, au milieu des agaves en fleurs,
des aloès et des cactus, se presse la foule des mondaines habituées
de Monaco.
Un doux murmure nous invite à pénétrer
dans le pavillon, c'est une fontaine jaillissante dont les gerbes
vont caresser le feuillage d'un superbe palmier éventail.
Là, sont disposés avec un goût
parfait des produits charmants comme leur pays d'origine.
Ce sont des poteries d'un genre
original et gai, où la fantaisie de l'artiste sait rappeler avec
esprit la flore du pays. Puis, des ivoires curieusement travaillés,
témoin cette belle glace où plus d'un gracieux visage s'est déjà
miré ; des mosaïques exquises et mille objets de tabletterie
plus ravissants les uns que les autres.
Bertall et Monselet se sont fait
céramistes pour la circonstance. Celui-ci s'en est tiré avec deux
quatrains qui ont couru tout Paris, celui-là avec des fantaisies où
il a mis tout l'esprit qu'on lui connaît.
Un peu plus loin, sur des étagères,
brillent des flacons qui emprisonnent dans leurs flancs de cristal le
parfum des fleurs de Ligurie ; et Dieu sait ce qu'il en a
répandu sur cette terre ensoleillée ! Le laboratoire de
Monte-Carlo a dérobé au Créateur quelques-uns de ses secrets, et,
dédaignant les tricheries de la science contemporaine qui tire ses
essences de la houille et d'origines encore moins pures, c'est à la
fleur même de l'oranger qu'il a pris le parfum d'une eau de Cologne,
sans rivale au monde.
La rose, la verveine, le cassie, la
tubéreuse, la modeste violette elle-même, et bien d'autres que
j'oublie on dû céder leur parfum aux chimistes monégasques, pour
le plus grand plaisir de la plus belle moitié du genre humain.
Puis, ç'a a été le tour de la moins
belle moitié, qui se délecte à déguster les liqueurs de Monaco,
qui valent bien celles de la Martinique et qu'on a sous la main.
Mais, me dira-t-on, qui a su créer ces
merveilles sur le rocher naguère aride de Monte-Carlo ? Pas un
écho qui ne réponde à Monaco par le nom vénéré de Mme Marie
Blanc, la fée bienfaisante à qui tout une population doit l'aisance
et le bonheur fondés sur le travail.
La Vie Parisienne, 14 septembre 1878.
Pavillon de Monaco - Photo Gaston Lucq |
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