mardi 28 mai 2013

Les 12 péchés capitaux, par Albert Robida, dans La Caricature - 1884

Dans La Caricature du 5 janvier 1884 (n°210), Albert nous présente l'Almanach des 12 péchés capitaux...


PROCLAMATION !

Sept péchés capitaux seulement pour tout le monde, hommes, femmes, Auvergnats, blancs, noirs, Chinois, empereurs, porteurs d'eau, députés et gommeux, c'était bien peu, chacun en conviendra !

Et pendant des siècles, il a fallu se contenter de ce maigre régal.

Cela n'a pas été sans susciter quelques réclamations. De temps en temps, des gens blasés, après avoir essayé de tout, déploraient amèrement cette mesquinerie; bien volontiers, ils auraient donné un morceau de leur âme pour l'agrément de caresser un vice de plus, mais, faute d'imagination, ils ne trouvaient que des vétilles à ajouter à la liste.

Cela ne pouvait pas toujours durer !

Notre siècle est-il véritablement le siècle du progrès ?

Oui, Messieurs; oui, Mesdames; il l'est, et il va le faire savoir !

Jusqu'à présent, il a inventé un tas de choses, utiles, peut-être, mais bien insignifiantes, comme les chemins de fer, le téléphone, la lumière électrique, etc.; tout cela est très joli, mais, nous le regrettons, cela ne dit rien à l'âme ! Il fallait faire quelque chose pour l'âme et joindre à l'utile un peu d'agréable.

Nous avons cherché et nous avons trouvé.

Brillat-Savarin a dit autrefois que l'inventeur d'une sauce nouvelle faisait plus pour le bonheur de l'humanité que le savant qui s'illustrait par une grande découverte.

Nous aussi, nous demandons à être considérés comme des bienfaiteurs de l'humanité, car, nous vous le demandons, qu'est-ce qu'une simple sauce auprès d'un péché nouveau et d'un péché capital, encore ?

Moins que rien.

Or, notez ceci :

Ce n'est pas un simple péché capital, ce n'est pas deux péchés capitaux, c'est cinq jolis et gros péchés très capitaux tout neufs ou à peu près que nous offrons aujourd'hui au monde !

Cadeau superbe !

O bienfaiteurs de l'humanité ! allez-vous nous dire, vous auriez bien dû, pendant que vous y étiez, en découvrir une demi-douzaine complète !

Certainement, mais ne faut-il pas laisser quelque chose à faire à nos descendants ? Il y a bien encore par-ci par-là quelques jolis petits vices en train de se mijoter, laissons-leur le temps de sortir de la période de formation !

Et maintenant, qu'on nous élève des statues !

Le Débinisme :
- Intelligente, mon amie Z... ? Pas de talent du tout, une grue... et laide et bête !... Je vous dis qu'elle est stupide... Je m'y connais, peut-être !

Le Pschuttisme :
- Elle est gentille, je ne dis pas, mais qué que ça le fait !... est-elle pschutt ?

Le Sportisme :
- Gontran avait un tuyau... il était joli son tuyau... j'en suis pour mille louis, avec ce tuyau... j'en aimerais mieux un de cheminée sur la tête, de Gontran !

Le Politiquisme :
- Etonnant, monsieur, les facultés latentes... je n'avais jamais pu rien faire... crac ! tout à coup ma vocation se révèle... j'étais né pour être homme politique !

Le Bric-à-Brac-isme :
- 15,500 ! 16,000 ! 16,500, 800, 900 ! ... je l'aurai, il me le faut ! Cette faïence est affreuse, ignoble,elle me dégoûte; mais il me la faut... Mon Dieu ! faites qu'elle soit bien du temps !

*  *  *

Sur les 12 mois de cet Almanach, Albert Robida a dessiné 5 mois de péchés : La Luxure, L'orgueil, Le Débinisme, le Politiquisme... sur lesquels nous reviendrons bientôt.

D'autres dessinateurs y ont également oeuvré, Trock à illustré L'Avarice et la Paresse, Job le Pschuttisme, Loys Le Sportisme et le Bric-à-Brac-isme, et Draner, La Colère et la Gourmandise.

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